On feint de croire beaucoup à la vox populi. Mais pour qu’elle soit ce qu’on dit qu’elle est il faut qu’elle parle tout le temps, par le biais d’une prise de parole permanente et c’est toute la difficulté de la démocratie directe.
Comment travailler, produire, enrichir soi-même et l’Etat et deviser sans cesse quant à la gestion de celui-ci ? Soit les uns, non-libres, travaillent tandis que les autres, libres, exercent leurs talents de tribuns, d’orateurs, d’intellectuels et de gestionnaires. Soit une infime partie du temps est consacrée aux choses communes, c’est mieux, sans doute, encore faut-il qu’elles soient réduites au maximum et que l’Etat ne soit pas un monstre turgescent qui s’accapare tout, mais un simple organe supra-personnel qui enveloppe ses membres.
Quoi qu’il en soit, la démocratie directe ne peut être que le fait de petites structures ; le risque étant toujours de reconstituer des féodalités, des fiefs prompts à entrer en conflit. Par ailleurs on sait bien que le principe de délégation corrompt (ce n’est pas le pouvoir ainsi qu’on veut bien le dire qui corrompt : c’est l’illusion, le mythe de la légitimité dont on tire son pouvoir, c’est cela qui rend fou).
La délégation est la porte ouverte à la manipulation (en toute impunité) de la « chair à canon » (ou « chair à taxes » selon les temps) que l’on est supposé représenter ou administrer.
Ainsi, hélas, la démocratie directe peut dériver (affaire de masse critique) en guerre féodale et en alliances parfois douteuses ; quelle garantie peut-on avoir de se trouver en tous temps un monarque avisé et serein ? Aucune solution n’étant la bonne, pas même la prétendument « moins mauvaise » il est impératif de restreindre le rôle de l’Etat, grand ou petit, vaste ou étroit, au strict minimum et de renforcer les relations authentiques entre les personnes. Ce qui suppose de cesser de dénigrer (mais c’est tellement à la mode !) ce qui, chronologiquement dans l’ontogénèse du petit humain, demeure la première de toutes : la relation familiale.