Encore un mythe : La route nationale n° N « a encore tué », titre la presse régionale… et de déplorer le comportement des conducteurs. Or tout bien observé, le journal lui-même entretient et participe de la vision fataliste voire résignée de ce qui n’est que pure action irresponsable. Les esprits faibles sont ainsi cautionnés dans leur violence ou leur ferveur (« auto- »)destructrice – laquelle est renforcée par les chantres de l’agressivité.
Oui cette belle et bonne agressivité dont on fait tant l’éloge en maints milieux économiquement corrects. Cette agressivité dite « positive » par les commerciaux, les sportifs, les coaches en « force de vente », les Etats et leurs « Ecoles (Grandes) de la Compétition sacrée ». Agressivité et compétition : les seuls idéaux, les seules valeurs, finalement, de ceux « qui en ont » … c’est ce qui fait les vrais « bosseurs, ceux-là qui font marcher la planète ! Les bons, les puissants, ceux à qui on est supposé vouloir ressembler !
Ajoutez à ce détonnant mélange une pincée de « fronde » toujours réputée synpathique en France, (traduction automobile : « les limitations c’est que pour les cons qui ne savent pas conduire », un nuage de débrouillardise (dite « système D » : « car moi je suis le plus malin et je te passe devant »), saupoudrons de « légitimité » à bon compte : « on est en République quoi! » et vous obtenez ce subtile mélange français tout de morgue, d’intolérance, de sottise, de stupidité(*) irrespectueuse tant des hommes que des machines. Vous avez l’automate automobiliste. La bête ainsi façonnée est sûre d’être parfaitement conforme au moule.
Alors elle est lâchée sur la route… cette « route qui va encore tuer » dira la presse, comme toujours, trop pressée pour réfléchir.
(*mot dont l’origine est bien à rechercher du côté de « stupeur »)