Alexandra ELIZAROVA

Le processus de Bologne en Russie
et son impact sur le système de l’enseignement des beaux-arts

La Russie a signé en 2003 la déclaration de Bologne, projetant d’ici 2010 un espace européen de l’enseignement supérieur unifié. Jusqu’à la chute de l’URSS, fin 1991, les études étaient définies par les besoins de la société. Le système était centralisé, sous le contrôle du parti, des ministères techniques et des combinats.

Un « plan de modernisation de l’éducation russe d’ici 2010 », dont la finalité principale est d’aligner le système éducatif russe sur celui en vigueur dans la plupart des pays occidentaux, a été présenté en 1999 par l’ex-ministre de l’éducation, M. Vladimir Filippov.

Pour l’enseignement secondaire, la réforme concerne notamment :

l’allongement de la durée de la scolarité obligatoire de 10 à 12 ans ; actuellement, la plupart des écoles russes proposent 11 ans d’études : de fait, les jeunes russes terminent leurs études secondaires à 17 ans, soit un an plus tôt que dans la plupart des autres pays ; cela constitue un obstacle à la coopération, pour établir une équivalence générale des diplômes

la mise en place d’un examen unique fédéral de fin d’études secondaires (l’EGUE), sur le modèle du baccalauréat français, qui constituerait un système plus juste que le dispositif existant. Actuellement, l’« attestation » de fin de cycle secondaire, qui ne présente pas d’unité, ne donne pas accès à l’enseignement supérieur.

Selon une logique sélective, chaque université organise son propre concours d’entrée. Pour l’enseignement supérieur, la réforme prévoit de créer des diplômes intermédiaires et des passerelles entre facultés, dans la logique du LMD. Actuellement, il n’existe pas de formations courtes, et les étudiants s’engagent d’un bloc dans 5 à 7 années d’études.

Le 9 mars 2007 le gouvernement russe a approuvé le projet de loi sur la mise en place d’un enseignement supérieur en deux cycles dans le cadre du processus de Bologne.

Mais les reformes trouvent une forte résistance dans les milieux académiques en Russie. Depuis l’époque soviétique, le haut niveau de l’éducation de la population a beaucoup contribué aux succès scientifiques et technologiques du pays. Pour les Russes, le système d’enseignement supérieur est une fierté nationale. Les 80% des Universités russes sont contre le système « occidental » de l’enseignement.

Les professeurs et étudiants des universités et académies dites « artistiques » sont particulièrement hostiles à la reforme. Ce sont l’admission des étudiants d’après les résultats d l’Examen Unique d’Etat (qui se déroule sous la forme des tests) et le système des diplômes intermédiaires qui paraissent les plus inquiétants. Dorénavant les Universités artistiques dépendront du Ministère de l’éducation et non du Ministère de la Culture : ainsi ils perdent leur statut élitiste d’établissements culturels. Les promesses du Ministère de l’Education d’épargner ces établissements des réformes ne calment pas les esprits.

La triste expérience de toutes les reformes et « modernisations » menées par le gouvernement russe dans les années passés peut expliquer cette attitude négative. L’ambiance du déterminisme nationale y joue aussi un rôle important.Cette tendance se manifeste non seulement dans le discours médiatique, mais encore dans le discours savant, surtout dans le domaine des sciences humaines : la Russie représente la synthèse et l’alternative à l’Est et à l’Ouest, le pays de «tertium datur», les projets occidentaux ne peuvent pas être appliqués est sont considérés comme une menace.

De nombreux représentants de l’intelligentsia scientifique et artistique en Russie actuelle considèrent la modernisation de l’enseignement supérieur comme un danger. D’après eux , appliquer les principes de LMD c’est détruire l’enseignement russe ainsi que la culture, les valeurs, et « la mentalité spécifique » russe.