Que peut bien encore signifier la mer pour nos yeux « modernes » ? Cette mer sillonnée de navires de plus en plus gros, efficaces et rentables ou de plus en plus spectaculaires, à bord desquels le navigateur n’est solitaire que pour mieux multiplier le nombre de ses adorateurs et augmenter le spectacle. Sous le vernis, exorbitant, de la mer spectacle les valeurs puissantes dont l’humanité, de tout temps, a su nourrir son imaginaire sont-elles parvenues à demeurer ?
L’eau, dans son extension terrestre, est, sous nos yeux, la perfection même en matière d’ambivalence. Terre et eau, en un dialogue constant, nous offrent l’horizontalité des surfaces. Mer et ciel nous offrent la verticalité des mouvances que nous interdit la terre. La terre nous offre le repli intime du creux mérité, fouillé, excavé de la maison dure et douce, ni sèche ni moite, où fines gouttelettes, l’eau sait se faire petite, comme le vent sait se faire souffle léger, haleine pour la vie. De trois des « quatre éléments » naît la complétude. Le feu n’en est pas. Elémentaire : le feu, en fait, quoi qu’on dise, n’est pas un élément, c’est un état. A eux trois ils assurent la clôture bienheureuse d’une béance qui menace toujours l’heureuse intimité. . .
Et s’il n’était de talent qu’oublié ou inaperçu ?
La transparence est une forme d’oubli qualifié, admis, entraîné.
La faculté du talent est de se faire oublier dans l’insistance même de son être-là . Sa « perfection », en quelque sorte.
Une » présentification » opérée et réussie doit faire oublier ce qui l’opère, ce qui « présentifie ». L’oubli du geste, de la « maîtrise », du faire, finalement l’oubli de l’art fait accéder à la beauté ; c’est toute la différence entre le talent et son absence.