Un siècle pour en arriver là ! Un siècle à parfaire la technique cinématographique ! Pour en arriver là ! Pour en arriver à la déferlante des litanies : « Dujardin, The Artist » ! Comment analyser cette prime à la régression ? La question n’est pas de savoir ce qu’apporte le muet noir-blanc. Mais de savoir ce qu’il enlève ? Affrontons la dure réalité : on accorde désormais la prime à une esthétique de la mutilation.
Qui aurait cru que la Nature pût devenir un objet de mode ? Dès que l’humain, mieux protégé, pour un temps, au fond de villes et cités où il n’avait plus tant à craindre les loups et le froid que les rats et ses semblables, Rousseau et ses épigones inventèrent une bien aimable Nature revisitée mise au service de toutes les absences, fétichismes du vide et utopies.
L’écologie, naguère encore, facette de la science, tenait un discours rationnel. Depuis, elle est comme « entrée en religion » et comme l’Eglise autrefois, est également entrée en politique. Naissait alors l’écolâtrie, hélas plus soucieuse d’imprécations et de pouvoir que des fiantes industrielles. Apparut ainsi un nouveau naturalisme pervers feignant la nostalgie : voyez la volupté « puritaine » qui anime ceux qui jubilent dans leur rôle d’imprécateurs, de culpabilisateurs : les chantres, grands-prêtres et verts gourous de l’Ecolâtrie. Mais …
Tout de même, par-delà leur exécrable (et pathétique) jubilation … ont-ils vraiment tort sur le fond ?
Ce serait bien agaçant qu’il n’aient pas tort du tout ces imprécateurs-là ! Et qu’ainsi ils nuisent considérablement à une cause des plus justes.
Tout devrait nous inspirer de l’enthousiasme, voire de la ferveur en ces domaines… et pourtant, d’aucuns, non sans raison, semble-t-il insistent pour que nous montrions plus que de la vigilance. Quels sont les enjeux et qu’est-ce qui, en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC), commande la vigilance voire la défiance ? Résister au progrès ? Vous n’y songez pas. Alors comment se tenir à égale distance des enthousiasmes naïfs ou marchands et du dénigrement diabolisant ?
Les TIC concernent toutes les organisations humaines de par l’outil de diffusion, de circulation de l’information et de prosélytisme militant qu’elles peuvent constituer. C’est pourquoi elles ne laissent aucun groupe, chapelle ou faction indifférent. Elles peuvent contribuer à l’organisation, ou, par le biais des forums, représenter un lieu de débat, de « discussion ». Tout ceci est évident, mais la chose est-elle sans risque et sans coût, sans contrepartie aucune? Quel prix, quels risques, quels renoncements, quelles garanties ? Incontestablement, ces techniques présentent des aspects très positifs, mais cela suffit-il à en justifier l’emballement ?
Objet d’idolâtrie numéro un : notre corps… notre corps éternellement sain et jeune et beau. Mais en fait, pas notre corps, mais mon corps. Ce n’est plus tellement le corps de l’autre qui compte et sur lequel s’ancreraient toute notre érotique, non ce qui importe, plus égoïstement, c’est le nôtre propre. Là est sans doute la grande mutation.
Que d’argent et de temps et de force et de courage nous mettons à bronzer, enduire, bouger, muscler, désengourdir, dégraisser, découenner, ce corps qui vieillit dès l’âge de vingt ans quand ce n’est pas avant (trop souvent sous l’influence des drogues dures ou douces, acides ou sucrées, avec ou sans alcool, inoculées ou inspirées)… seule une batterie d’artefacts et d’artifices peut lui donner la force, la pureté, la beauté de la … « nature ». Paradoxe ?
RE- devenez « naturels » ! Soyez « purs », volià le nouveau catharisme : pas plus « in » que la pureté d’un corps irréversiblement attiré vers son déclin que pourtant « je ne saurais voir » : moi et moi, indéfectiblement unis pour le miroir et pour le pire. Drame de la solitude si profondément « sociale » de cette loi du paraître que nous inflige la société des réseaux eux-aussi prétendument « sociaux ».
La science est devenue insensiblement un objet de mode. Il ne faut pas entendre par là qu’elle a eu des emballements puis des ralentissements, qu’elle a connu des culs-de-sac et des retournements multiples. Il ne s’agit pas de ces « modes » qu’elle aurait pu engendrer en son sein c’est-à -dire parmi ceux qui Å“uvrent pour l’enrichir. Non, ce qu’il faut entendre ici par « mode » tient au fait que d’objet d’admiration puis d’adulation la « Science » a suscité des conformismes de façade ; or que voulez-vous que soit un conformisme en matière de science sinon un conformisme d’expression, de discours, de vocables, de tout ce qui, sortant de son emploi et de sa destination (qui est en principe toute de rigueur) devient vite de simples tics de langage, quasiment dépourvus de contenu, de sens.
On y a parlé de « révolution » des urnes ! C’est déjà assez drôle… et ça se corse encore avec la notion de « coup d’Etat illégal ».
Sophie BOUDET-DALBIN
Vers une meilleure compréhension d’internet pour le développement de la distribution numérique de films. Cet article, bien qu’écrit en 2004, met à jour des enjeux que la recente actualité n’a fait que confirmer. Internet, insistons, est une technique qui ne crée pas en soi du sens. Confier aux nouvelles technologies de communication un rôle de pilote de transformation sociétale, c’est confondre performance et sens.